lundi 1 juin 2015

Napoléon : une fracture toujours présente.



Dans quelques jours, nous verrons le bicentenaire de la défaite de Waterloo qui mit fin au règne de Napoléon Bonaparte après la parenthèse des 100 jours. Cette défaite marqua la naissance du jeu politique de l’Europe pendant le XIXème siècle jusqu’en 1918 où Georges Clemenceau songeait à faire du traité de Versailles le match-retour du 18 juin 1815.
La défaite de Waterloo sonna le glas de la puissance française  sur le continent pour la plus grande joie de l’Angleterre qui  ne cessera de jouer le rôle d’arbitre  entre les différents pays afin  d’éviter toute  émergence  pouvant  lui  faire de  l’ombre.

Pour la plupart des Français qui ne se sont jamais penchés sur la question, Napoléon Bonaparte est essentiellement assimilé aux mots de « gloire », « grande armée » et « roman national » et beaucoup ont l’image de l’empereur tel qu’il fut interprété par Christian Clavier dans le téléfilm des années 2000 inspiré du livre de Max Gallo, c'est-à-dire l’image d’un dictateur, certes, mais qui a contribué à la grandeur de la France dans le monde entier. La création du Code civil et la formation de l’État moderne sont ses grandes créations comme l’explique Jacques-Olivier Boudon (professeur d’Histoire contemporaine à Paris-Sorbonne IV et Directeur du Centre de Recherche en histoire du XIXe siècle). Ce dernier fait parti de ces universitaires qui admirent ce personnage historique enraciné dans la mémoire française et dont l’admiration s’étend jusqu’en Asie.

.


L’un des grands problèmes dans l’épopée napoléonienne est celle de faire un travail d’inventaire car si des critiques ont été énoncées, il est toujours difficile de mettre des tâches d’ombre dans ce qui fut une période de gloire militaire comparable à celle d'Alexandre le Grand et de Jules César.




Politiquement, Napoléon Bonaparte aura contribué à une fracture particulièrement vivace. A gauche, il est rejeté massivement. Son césarisme, le détournement qu’il a fait des idées républicaines et le fait qu’il ne les a pas réellement diffusées en Europe… Le livre de Lionel Jospin « Le mal napoléonien » réunit ces critiques. La gauche sous la IIIème république s’est toujours farouchement opposée au césarisme bonapartiste et c’est pour cette raison que le pouvoir exécutif fut faible. Pour se faire griller politiquement, il suffisait de dire qu’il fallait changer les institutions (la constitution de la IIIème république était presque inexistante) et on vous sacrait avec toute l’hostilité désirée comme le nouveau Bonaparte. Précisons que ces critiques viennent des acteurs de gauche de premier plan et on peut être de gauche et aimer Napoléon.

A droite, Napoléon a donné naissance à l’émergence d’une droite baptisée par René Rémond, dans son monument « Les droites en France » (un des mes livres de chevet) : la droite bonapartiste. C’est une droite autoritaire attaché à l’ordre. Dans son livre édité en 2005 « Les droites aujourd’hui » (un peu décevant) il change le nom « droite bonapartiste » pour la nommer « droite gaulliste », le gaullisme serait le descendant du bonapartisme. De Napoléon III, en passant par le général Boulanger, Maurice Barrès, le colonel de la Rocque (chef des Croix de Feu) en terminant avec le général de Gaulle, cette droite à encore un certains nombre de défenseurs comme Eric Zemmour, Henri Guaino, une partie de la Droite Populaire et, il y a encore peu, Philippe Seguin.
Cependant, la droite n’est pas du tout unanime face à Napoléon, si le patriotisme rend délicat la critique envers un homme qui a contribué à faire briller l’image de la France, la droite de la droite n’a cependant pas été parmi ses admirateurs. Les royalistes, comme Chateaubriand, furent hostiles envers Napoléon. Pendant tout le XIXème, Napoléon (et son « neveu ») furent considérés comme des usurpateurs. Les catholiques n’apprécièrent pas non plus l’héritage de Napoléon avec le traitement qu’il fit subir au pape Pie VII. Cependant, vers la fin de sa vie, il écrivit « La divinité de Jésus Christ » et le pape fut l’un des seuls à ne pas l’avoir enfoncé.

L’école de droite qui s’en est le plus pris à Napoléon fut l’Action Française. Charles Maurras et, surtout, Jacques Bainville furent les plus grands critiques envers l’empereur. Il lui fut reproché d’avoir poussé au paroxysme la centralisation jacobine et mis l’individu seul face à l’État tout puissant sans aucun intermédiaire. La politique extérieure fut qualifiée de catastrophique car la destruction du Saint empire donna naissance à l’Allemagne et cela provoqua trois guerres dont deux guerres mondiales. Le Code Civile serait aussi à bannir car selon Jacques Bainville, il aurait empêché la naissance d’un nombre pharamineux de Français. Bien que l’Action Française fût un défenseur de l’Histoire de France, l’épopée napoléonienne fut considérée comme « un jour de gloire pour un siècle de pots cassés ». Bien qu’en tant que Français, ils le trouvèrent grand, les deux auteurs conclurent: «sauf pour la gloire, sauf pour l'"art", il eût probablement mieux valu qu'il n'eût pas existé».
 













Alors que dire de ce bicentenaire de Waterloo ? Un homme d’État pourrait tenir un discours, dans ce lieu même, sur le principe du déclin et de la renaissance d’une nation, de sa capacité à s’adapter aux nouveaux paradigmes de la globalisation… Une défaite aussi puissante comme celle de Waterloo n’a pas provoqué la mort de la France. Mais comme il n'y a pas eu de remise en cause de certains aspects fonctionnels de l’empire (particulièrement au sein de l’armée), la défaite à Sedan sous Napoléon III était donc prévisible. Cette défaite fut la source du discours du déclin français dans les discours nationalistes vers la fin du siècle.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire